Piétonnier de Bruxelles (commu. de presse)
« Nous voulons une place to live
et pas seulement une place to be »
Nous sommes jeunes, nous ne vivons pas tous dans le centre ville de Bruxelles mais en tant que citoyens nous nous demandions ce que nous pouvions faire. Vendredi 4 décembre, les membres de JCI Bruxelles ont décidé de réunir les représentants des usagers du piétonnier (commerçants, comités de quartier, habitants et travailleurs) dans l’optique de les écouter et communiquer leurs attentes à la ville de Bruxelles. L’objectif est de tenter de construire le piétonnier idéal. La ville de Bruxelles a finalement été amenée à se désister de ce dialogue.
« Éviter un piétonnier à la Pyrrhus »
Les représentants des usagers du piétonnier s’accordent à dire que « ce piétonnier » n’est pas viable en l’état. Les habitants expriment leur mécontentement à cause du « manque d’un projet de société ». Les commerçants sont inquiets face à l’importante baisse du chiffres d’affaire (estimée à -30%) et la création de grands projets commerciaux concurrents. Les travailleurs (livreurs, chauffeurs de taxi, etc.) se plaignent du temps perdu pour se rendre sur leur lieu du travail, pour livrer les magasins et de l’augmentation du prix de la course en taxi qui provoque une diminution du nombre de clients (en centre ville, 6 chauffeurs de taxi sur 10 ne peuvent plus amener leur client à destination).
La mobilité à l’intérieur du piétonnier reste une autre épine dans le pied. Tsatsakis Costa, représentant de la Fédération Belge des Taxis et de Taxi United imagine des bornes automatiques, initialement prévues mais qui se sont révélées trop couteuses (70 000€/borne), ou un système de pass pour accéder au piétonnier en taxi. La Plateforme Pentagone (Isabelle Marchal) et l’Association des commerçants du centre ville (avec son Président, Alain Berlinbau) souhaitent rediscuter d’un aménageant spécial des voies pour les voitures, taxis, bus et vélos pour favoriser l’accessibilité au piétonnier et rétablir un axe principal de pénétration automobile. Des solutions spécifiques permettraient également aux personnes âgées et à mobilité réduite de se rendre plus facilement au piétonnier, duquel elles se détournent. Elles signalent par ailleurs de nombreuses difficultés pour atteindre le cœur de ville.
Le représentant de la STIB-MIVB Jean-Michel Mary fait remarquer que l’offre de transport en commun s’est adaptée aux exigences de la Ville et qu’une étude est en cours de réalisation pour observer la fréquentation des transports publics. De nombreux arrêts ont été déplacés et les parcours modifiés, mais l’offre souterraine est adaptée au piétonnier et pourrait accueillir une ligne de métro nord-sud. En surface, l’accès des bus est limité par la configuration des rues. La STIB mène actuellement une consultation pour laquelle les usagers sont invités à se prononcer.
L’ensemble des autres participants affirment qu’il y a une regression de la fréquentation et que l’offre de transports publics ne doit pas s’éloigner de ses premiers « clients », à savoir ses usagers.
Pour éviter que ce projet de piétonnier n’échoue et en raison du manque d’écoute ressenti par ces associations, les représentants des usagers ont entamé une procédure judiciaire et sont prêts à poursuivre, par voie de recours, une mise en place différente du piétonnier. Nous assistons à un rassemblement de forces des usagers du piétonnier, qui actionnent la voie légale pour réclamer entre autre une étude d’incidence, une enquête publique pour le plan de circulation et le piétonnier, plus de transparence, une communication de la part de la ville et un respect du processus de concertation (en prenant en compte les impacts au-delà du simple périmètre du piétonnier).
Reculer pour mieux avancer?
Notre dialogue a permis d’obtenir les dates clés pour l’évolution du piétonnier et des lignes d’action à mener.
Mobilité et infrastructures de transport
- La STIB-MIVB recueille actuellement des statistiques sur la fréquentation du piétonnier et l’impact sur les transports en commun. Elle analysera ces résultats en faisant des recommandations à son Conseil d’Administration en janvier 2016. Une consultation de la population n’est pas envisagée mais la STIB-MIVB reste à l’écoute. En tant qu’organisme en charge de la mobilité régionale, les représentants demandent à ce que l’information soit mise à disposition et qu’une forme de concertation ait lieu après la présentation des résultats en interne. Février 2016 serait une date idéale car elle clôturerait la phase de test du piétonnier actuel. Une consultation publique sur le Plan directeur bus reste ouverte jusqu’à janvier 2016 : elle représente une première opportunité pour s’exprimer. La STIB-MIVB a ainsi déployé des bus qui circulent dans les différentes communes de la Région pour recueillir suggestions, avis et doléances.
Commerce
- Le centre ville est un quartier à vocation commerciale. Dans cette zone, les trajets en voiture sont des trajets de « destination » et non pas de transit, ce qui est une valeur ajoutée pour les commerçants. Les représentants demandent une clarification sur la vision commerciale de ce piétonnier, les mesures envisagées pour empêcher les petits indépendants (qui représentent la majorité du commerce de proximité) de mettre la clé sous la porte à cause de la concurrence des grandes enseignes. Ils demandent également une clarifcation de la stratégie commerciale de la ville, en raison de la promotion de grands centres commerciaux, facilement accessibles en voiture au détriment du commerce en centre ville.
- Au-delà des clients « fidèles », les commerçants observent la perte du passage « aléatoire » du centre ville comme destination shopping parmi d’autres. Le quartier perd donc de son attractivité pour différentes raisons, qui incluent la diminution de l’accessibilité en général, de la saleté, de l’insécurité – avérée, perçue ou imaginaire.
Finalement, une comparaison avec les piétonniers d’Anvers et Lille montre que reproduire un centre ville monofonctionnel est une erreur : passer du « tout voiture » au « tout piéton » n’est pas la solution. Les représentants des commerçants, des habitants, des taxis prônent un modèle mixte de circulation, afin d’éviter que cette zone se paupérise.
Les différentes parties concernées ont décidé de recourir aux voies de contestation légales. La Plateforme Pentagone a déjà introduit un recours en justice, sur lequel d’autres usagers sont invités à se greffer.
Il ne s’agit pas de reculer, en abandonnant le projet de piétonnier, mais de mieux avancer, en proposant « un autre piétonnier », ensemble, autour d’un consensus sur plusieurs thématiques et entre les différents usagers du piétonnier.
Démocratie, objectivation, responsabilité : voilà les mots clés à communiquer à la ville pour continuer ce dialogue.